LÉOPOLD II De l’autoroute urbaine au boulevard urbain ?
Le boulevard Léopold II date du XIXe siècle et a été construit sur ordre de son homonyme. Inspiré des boulevards haussmanniens de Paris, l’axe témoigne de la grandeur avec laquelle Léopold II voulait redessiner la ville. Outre les parcs majestueux qu’il a commandés, la morphologie de la ville actuelle est également déterminée par les grands boulevards. Les anciennes cartes postales montrent un boulevard où les gens se promènent et discutent. De grands arbres forment des zones d’ombre et les personnes figurant sur les cartes postales semblent marcher paisiblement et sans souci, même debout au milieu de la rue. Un «shared space» déjà à l’époque, qui n’a pas peur de se faire surprendre par une voiture qui passe.
L’avenue a connu une histoire mouvementée avec des viaducs (démolis), le creusement de tunnels, des arbres dans des bacs à fleurs et récemment la rénovation des tunnels. Une histoire accompagnée de protestations, de vacances et de changements de fonction. Ce qu’il reste aujourd’hui en surface est un espace défraîchi de 45 m de large, composé de 10 voies de circulation et de stationnement, de quatre rangées d’arbres, d’une voie de bus et de tram et de trottoirs relativement larges. Il n’y a pas de piste cyclable séparée. Sous terre, dans les tunnels, se trouvent deux voies de circulation supplémentaires, injectant dans la ville le trafic de la périphérie. Encore plus loin, sous ces tunnels pour voitures, se trouvent les lignes de métro 2 et 6. A deux endroits, les tunnels routiers sortent de terre: juste avant Sainctelette, et en direction de Simonis, à peu près au milieu de l’avenue. Ce dernier se sépare des deux côtés de la rue.
Vivre sur le Boulevard Léopold II n’est pas une sinécure. Les voitures roulent de jour comme de nuit. La pollution de l’air y est inacceptable. Surtout à l’entrée des tunnels, où de fortes concentrations de polluants sont expulsées. Les sirènes, le flux continu de voitures, de bus et de trams sont également à l’origine de nombreuses nuisances sonores. En été, il fait une chaleur désagréable. Malgré des trottoirs relativement larges, il ne reste pas grand-chose de l’atmosphère de la fin du XIXe siècle, où l’espace pouvait être utilisé de toutes sortes de façons et où la rencontre tenait une place centrale.
L’espace que la voiture occupe en surface est indéniablement grand et surdimensionné. En particulier quand on sait qu’il existe une autre autoroute urbaine souterraine. Même avec l’introduction de quartiers sans voitures, les «axes plus» tels que Léopold II restent des routes importantes pour les voitures. Mais dans l’ensemble, la pression exercée par les voitures devra baisser radicalement pour relever les défis de vivabilité, de santé et climatiques. Le droit coutumier de circuler en voiture dans le centre-ville partout où des personnes vivent à proximité les unes des autres est mis à mal. Toutefois, la restriction de l’utilisation des voitures ne doit pas nécessairement se faire au détriment de l’accessibilité. Avec une organisation plus efficace, avec la numérisation et l’intégration des différents systèmes de transport (train, bus, tram, application vélo, métro, voiture partagée, etc.), avec la mobilité en tant que service, avec les systèmes de covoiturage, avec l’accessibilité intégrée et la tarification équitable des modes de transport, l’accessibilité ne fera qu’augmenter. Selon ce qui lui convient le mieux, le citadin prendra le métro, enfourchera son vélo, prendra une voiture (partagée) ou optera pour une combinaison appropriée. La mobilité ne concerne pas seulement le temps de trajet entre un point A et un point B. Elle concerne également le confort, la sécurité, le coût, la flexibilité et la liberté de mouvement.
La question n’est plus de savoir si cette transition de la mobilité aura lieu, mais comment elle redessinera l’espace urbain. Inévitablement, la réduction de la place de la voiture exige une nouvelle vision de la rue. Il y a déjà suffisamment de revendications sur l’espace public. Les cyclistes et les piétons exigent des chemins sûrs, les enfants veulent jouer dehors, les commerçants veulent des vitrines attrayantes, des terrasses, une bonne accessibilité et un approvisionnement sans faille, les personnes âgées veulent pouvoir se déplacer facilement, les gens recherchent des espaces de rencontre, et tout le monde veut un environnement sûr où il est agréable de se retrouver, avec des fonctions urbaines qui activent l’espace. Outre les exigences fonctionnelles, il y a bien sûr les exigences climatiques qui se font de plus en plus urgentes. Les étés nous obligent à nous rendre à l’évidence: Il fait de plus en plus chaud en ville. Le manque d’arbres, de biodiversité, de gestion saine de l’eau et l’excès de surface pavée rendent cette chaleur inconfortable en été. En outre, l’énergie devient de plus en plus chère et nous devons nous éloigner des combustibles fossiles. Ici aussi, la rue peut jouer un rôle important. Parce qu’il y a un droit non seulement sur la couche en surface mais aussi sur le sous-sol. Comment extraire l’énergie du sous-sol, comment capter collectivement l’eau, et comment utiliser collectivement l’énergie et l’eau ?
Tout d’abord, nous avons besoin d’imagination, et de proposer des solutions. Si nous supprimons les places de stationnement, où les voitures doivent-elles aller ? Quel espace voulons-nous réellement ? Quelle est la priorité ? Comment la rue restera-t-elle accessible à tous ? Léopold II peut-elle devenir la plus grande rue climatique de Belgique ? Et les tunnels ? Comment rendre la biodiversité possible au-dessus de tunnels ? De quelles fonctions avons-nous besoin ? Quel est votre avis?